Le métier de CIP - 1ère partie

Publié le par CIP12

L'administration pénitentiaire (AP) est une administration peu connue. Les différents métiers de l'AP le sont tout aussi !

Il y a bien sûr les personnels de surveillance, les personnels de direction, les personnels administratif et les personnels technique.

Il existe une dernier corps de personnels dans l'AP. Les personnels d'insertion et de probation.

Ce dernier corps est peu connu, y compris au sein de l’administration pénitentiaire elle même. Il est très récent puisque créé en 1999.
Avant cette date, il y avait des éducateurs ou des assistantes sociales. Nombreux encore sont les surveillants qui nous appellent comme cela.

Nous sommes un peu plus de 3000 conseillers d’insertion et de probation (C.I.P).

Nous exerçons au sein des établissements pénitentiaires, bien évidemment mais aussi à l'extérieur, en milieu ouvert, ce qui fera l'objet d'un prochain article.
 
 

Avant d’expliquer le travail d’un CIP en milieu fermé, je me permets un petit rappel sur les différents établissements pénitentiaires.


Les MA (Maisons d’Arrêt) accueillent, en théorie, les personnes en détention provisoire, donc en attente d’être jugées. En pratique, il y a de plus en plus de personnes condamnées incarcérées en maison d'arrêt.


Les CD
(Centres de Détention) et les MC (Maisons Centrales) accueillent les personnes condamnées. La différence entre les CD et les MC est surtout sécuritaire.

La longueur de la peine ne compte plus forcément, il y a en effet des condamnés à perpétuité en CD, ainsi que des détenus approchant de leur fin de peine en MC.

Maintenant que le décor est planté, je me lance dans l’explication du travail d’un CIP en milieu fermé.

 

En maison d’arrêt, il s’agit souvent de travailler dans l’urgence.

La personne qui est arrêtée à la sortie de son travail, amenée en garde à vue, puis qui suit toute la procédure (que je me garderai bien d’expliquer) avant de se voir notifier son placement en détention provisoire, arrive donc directement en prison, sans affaire, souvent déboussolée et fatiguée.
Sachant que ces arrivées peuvent se faire de jour comme de nuit.

Le CIP reçoit la personne en "entretien arrivant", lui explique les missions et le rôle du SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation), recueille un certain nombre d'éléments concernant la situation du prévenu.
Suite à cet entretien, le CIP prévient sa famille et parfois essaie de lui trouver des vêtements de rechange.

Il arrive parfois aussi que le CIP doive trouver une solution pour les chiens restés seuls au domicile...

Le CIP rencontre régulièrement le détenu pour répondre à ses questions et pour faire le lien avec la famille qui n’a pas la possibilité d’avoir le détenu au téléphone
Ceci dit, le téléphone arrivant progressivement en MA, (ceux autorisés, pas les portables entrés en toute illégalité) le prévenu pourra joindre sa famille sans être obligé de passer par un intermédiaire.

Pour les personnes condamnées et incarcérées en maison d’arrêt, le travail du CIP de MA se rapproche du travail du CIP en CD.

 

En CD, le travail est plus centré sur la réinsertion.


Un CIP de milieu fermé rédige les rapports et donne son avis sur la demande d’aménagement de peine formulée par le détenu. Une fois l'aménagement de peine, le détenu est suivi par un CIP travaillant en milieu ouvert. Les différents aménagements de peine seront donc expliqués dans un autre article.

Il signale également parfois au juge et/ou au parquet un détenu qui serait dangereux ou qui présenterait un risque de récidive, dans le but de voir prononcer une mesure de surveillance judiciaire.


Lorsqu'un détenu dépose une demande d'aménagement de peine, il passe en débat contradictoire, ou devant le tribunal d'applications des peines (selon la peine et le reliquat de peine). Pour cela le CIP rédige un rapport et l'administration pénitentiaire émet un avis.
Lors de ces débats, sont présents le (ou les) JAP (juge d'application des peines), le parquet, un représentant de l'administration pénitentiaire, le détenu et son avocat. Il me semble (mais c'est à confirmer par un avocat qui se serait perdu ici...) que l'avocat de la partie civile peut aussi être présent lors de ces débats. Mais c'est extrêmement rare.


Le CIP participe à différentes commissions.

La principale est la CAP (Commission d’Application des Peines). C’est lors de cette commission que se décident les permissions de sortir. Le CIP présente de façon objective la situation du détenu et donne son avis sur l’opportunité de la permission de sortir.

D’autres personnes donnent également leur avis avant que le juge d’application des peines ne prenne sa décision. (la direction, l'officier pénitentiaire et le procureur)
Ces échanges permettant à chaque intervenant d'apporter des éléments et de faire le point sur une situation particulière. C'est bien souvent au cours de ces CAP que le parquet demande au CIP de faire un rapport sur un détenu en vue du prononcé d'une éventuelle surveillance judiciaire.

Lors de ces commissions, on examine également les remises de peine supplémentaires.
On étudie sur un an les efforts faits par la personne et on donne notre avis sur l’octroi ou non de remises de peines.
Plusieurs critères sont pris en compte pour l'octroi ou non de ces RPS : les activités en détention, l'indemnisation des parties civiles ainsi que le suivi thérapeutique, qu'il soit psychologique, psychiatrique ou encore le suivi concernant une dépendance alcoolique ou toxicomaniaque.
 
C'est également lors de ces CAP que sont décidés le retrait des CRP (crédits de réduction de peine). Le CIP n'émets pas d'avis pour ces retraits, mais en quelques mots je vais vous expliquer de quoi il s'agit.
A l'arrivée du détenu en détention, le CRP est calculé, il s'agit de réductions de peine accordées au détenu en supposant que celui ci aura un comportement correct. si au cours de son incarcération celui ci fait l'objet de CRI (compte rendu d'incident), des remises de peine peuvent être retirées proportionnellement au nombre de jours effectués en quartier disciplinaire.

Il y a d’autres commissions comme la commission PEP(Parcours d’Exécution de Peine), où les différents services intervenants en détention se réunissent pour faire le point une fois par an sur la situation du détenu. Dans ces commissions, aucune décision n'est prise. Il s'agit essentiellement de faire un bilan pluri disciplinaire sur le parcours d'exécution de peine du détenu. (ses activités en détention, les efforts fournis dans le cadre de la réinsertion…).
Le fonctionnement des  "CO-PEP" est différents dans chaque établissement. Généralement des objectifs sont fixés au détenu. Cela peut aller du simple mais efficace encouragement à poursuivre les efforts fournis, à l'incitation d'indemniser la victime ou de préparer sa sortie.


Le CIP donne aussi son avis lors des commissions de classement. Lorsque le détenu demande à être classé à un poste de travail ou en formation, on se réunit afin de décider de l’opportunité de classer cette personne à tel ou tel poste. Les critères de classement sont assez multiples, selon les compétences du détenus, sa motivation... Si deux détenus se trouvent  "en concurence" pour un même poste, le détenu indigent sera prioritaire.

Le statut d'indigent se décide lui aussi lors d'une commission, la commission d'indigence. Sont présents, la direction, la détention, le SPIP, et également les généreux donateurs (en général des associations du type Secours Catholique ou Croix Rouge). On étudie les cas des détenus dont le "pécule disponible" ne dépasse pas une certaine somme. Il m'est très difficile de vous donner les critères pris en compte, ils sont assez flous...
Dans certains établissements, il n'y a aucune association qui finance le don indigent. La commission existe pourtant, pour différentes raisons. En effet, même s'il ne reçoivent pas les 15€24 d'indigence, la télévision, le frigo sont alors gratuits.


Une commission moins réjouissante, la commission suicide. Il s’agit d’évaluer le risque suicidaire de la personne et de décider si elle est ou non placée en surveillance spéciale …
Ce thème d'actualité est matière à un article à lui tout seul ... Il vous faudra donc patienter un petit peu pour en savoir plus...

 

Beaucoup de réunions à préparer, donc, et auxquelles il faut participer.


En plus de ça, nous allons rencontrer les détenus en détention pour répondre à leurs interrogations et les orienter vers les services compétents.

Mais le rôle principal du CIP en établissement est de "réinsérer" la personne, de la préparer à la sortie et d'essayer de lutter contre la récidive.
Pour cela nous devons étudier les dossiers bien sûr. Ce qui suppose de lire le réquisitoire définitif (beaucoup plus complet que l'arrêt de la Cour d'Assises) ainsi que les expertises psychiatriques. 
Il est parfois difficile de lire ce genre de réquistoires. On y lit des choses horribles et on se demande comment la nature humaine peut être capable de ce genre de choses ...

Nous devons aussi aborder les faits avec les détenus. Afin d'évaluer la reconnaissance des faits et l'évolution du détenu quant aux faits commis. Cela amène parfois des entretiens difficiles à vivre.
Pour plusieurs raisons. Certains prennent un malin plaisir à vous raconter les faits, dans les détails. Ceux là, on les repère très vite et si l'évocation des fais provoquent du plaisir chez eux, on peut déja sensiblement douter quant au risque de récidive ...
La deuxième cause d'entretien difficile est la négation des faits... quand le détenu nie les faits alors que réquisitoires, expertises et autres enquêtes au dossier ne laissent aucun, ou presque aucun doute, il est difficile de travailler. 
C'est même parfois déconcertant de voir à quel point une personne peut nier l'évidence avec aplomb  ...
Là aussi la dangerosité potentielle et le risque de récidive sont à craindre. Ou du moins sont envisagés.
 

Nous avons aussi parfois d’autres choses à faire, nettement moins porteuses d’espoirs : lorsqu’une personne nous appelle pour nous annoncer le décès d’un membre de la famille d'un détenu.
C’est à nous que revient la triste tâche d’aller annoncer cette mauvaise nouvelle au détenu, et s’il le faut préparer une permission de sortir en urgence pour que la personne puisse se rendre aux obsèques.



Le métier de CIP se rapproche du métier de criminologue parfois, d'assistante sociale souvent, de psychologue ou encore "d'empêcheur de tourner en rond" ...

Pas le temps de s'ennuyer!!!!

Publié dans SPIP

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L
<br /> A quand les prochains articles je les attends avec impatience<br /> <br /> <br />
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C
<br /> C'est gentil à vous.<br /> Des contraintes professionnelles et personnelles font que la publication de la seconde partie notamment, tarde à venir, mais patience!<br /> <br /> <br />
L
oui je sais qu'on peut avoir accès à ces données d'une autre manière, mais d'une manière moins accessible. On a plus facilement envie de vous lire que de lire des tas de documents sur des sites trop professionnels, officiels ... c'est pour ça que votre site est un outil important pour la connaissance de tous de la prison.
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C
<br /> Merci<br /> <br /> <br />
L
Votre article est vraiment très intéressant parce qu'il nous donne accès à des données impossible à obtenir (à part être allé en prison et encore). Pourtant je trouve important de connaître ces détails puisque c'est la mission de la société qui vous est relégué.<br /> je suis impatient de lire la suite
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C
<br /> Bonjour Ligurio.<br /> <br /> Rien de bien confidentiel dans mon article. Les informations que j'y donne sont dans le CPP ou dans différents documents qui peuvent se trouver sur internet.<br /> <br /> Si l'accés est difficile, c'est uniquement parce que ce métier est peu connu!<br /> <br /> <br />
D
bonjour c'est vrai que votre métier est peu connu mais comme vous le dites : porteur d'espoir, et aussi je pense indispensable dans beaucoup de cas ( le "soutien arrivant "par exemple.) J'espère seulement que vous n'êtes pas surchargé de dossiers.
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C
<br /> Bonjour Dan,<br /> <br /> Concernant le nombre de dossiers c'est assez variable.<br /> Je n'ai pas fait beaucoup d'établissements mais là où je suis, jusqu'à peu de temps nous tournions entre 75 à 90 dossiers.<br /> Mais suite à des mutations, départs en congés maternité... nous sommes actuellement à environ 125 dossiers par CIP...<br /> <br /> Il est donc assez difficile de pouvoir travailler sur chaque dossier comme il le faudrait.<br /> <br /> Comme je le disais, pas le temps de s'ennuyer!<br /> <br /> <br />