Assistante sociale ou criminologue?
La question m'a été posée en privé, mais pourquoi ne pas y répondre avec un billet ? Enfin, tenter d'y répondre, puisque la question est toujours d'actualité...
Au printemps 2008, les CIP ont mené des mouvements de revendications (pas de grève, cela nous est interdit).
Sous fond de négociation de revalorisation indemnitaire une autre question s'est posée et a divisé l'ensemble des conseillers d'insertion et de probation.
Pour certains, nous sommes travailleurs sociaux, pour d'autres "criminologue".
Alors qu'en est il exactement ?
Je suis loin d'avoir la réponse, sinon je ne serais pas ici mais plutôt Place Vendôme !
Ce que je vous propose est d'écouter ma vision de mon métier et de vous faire votre propre opinion.
Je pense qu'il y a autant de vision du métier que de CIP. Tout dépend le parcours universitaire et professionnel de la personne mais aussi le service dans lequel elle travaille, à savoir milieu ouvert ou milieu fermé.
L'analyse que je fais est celle d'une titulaire d'une maîtrise de criminologie travaillant dans un établissement pour peine...
Ok, déjà là vous devinez vers quel côté je penche, mais quand même, je vous livre ma façon de penser.
Avant d'entrer dans les détails, je tiens à préciser deux ou trois choses.
La première est qu'il faut un niveau bac+2 pour passer le concours, mais la majorité des candidats est titulaire d'une maîtrise, voire d'un DEA.
Ce concours n'est pas réservé aux juristes. Certes la majorité d'entre nous est issue de fac de droit mais on rencontre aussi beaucoup d'autres cursus universitaires.
Maintenant, ma façon de penser...
Le travail en milieu ouvert recouvre selon moi pleinement les deux dimensions. Le côté probation ressort sans équivoque, puisqu'au final la PPSMJ vient essentiellement pour se justifier du respect des obligations.
Mais pas seulement, le CIP du milieu ouvert doit aussi aider la personne à comprendre son geste et à prévenir une récidive.
Le probationnaire, par nature a accès aux services sociaux de droits communs. En effet il est très simple pour lui de se rendre de lui même à la CAF chercher un dossier de retraite, un dossier RSA ou je ne sais quoi d'autre.
Je n'ai pas assez d'expérience en milieu ouvert pour clairement exprimer si le côté social ressort plus que le côté criminologique ou inversement.
Et finalement, je pense que la question se pose moins qu'en milieu fermé, notamment dans un établissement pour peine.
En centre de détention, nous sommes obligés à un moment ou un autre d'aborder les faits, le passage à l'acte, la personnalité du détenu. Essayer de comprendre pourquoi la personne est passée à l'acte et surtout, essayer de lui faire comprendre à elle même.
Pourquoi ?
Pour elle, comprendre peut permettre de maîtriser les causes et de ne pas recommencer.
Pour nous, ça nous permet de comprendre le contexte et de constater le cas échéant l'évolution de la personne face à cela. Ca nous permet "d'estimer", d'évaluer le risque de récidive et ainsi de préparer au mieux la sortie ou l'aménagement de peine.
Mais il y a une autre facette qui prend de plus en plus de temps...
Les détenus n'ont pas accès aux structures de droits communs.
Remplir un dossier de retraite, un dossier CMU-C, un dossier de RSA, un dossier de mariage...
Pour beaucoup d'entre eux, ils ont besoin de notre aide pour le faire. C'est notre travail, nous le faisons.
Il m'est arrivé très récemment de passer plus de deux heures à rechercher toutes les informations et compléter un dossier de mariage. Alors là je me demande si j'ai fait une maîtrise de criminologie pour ça...
Il m'est arrivé tout aussi récemment de passer plus d'une heure et demi en entretien avec une personne ayant demandé une libération conditionnelle, à discuter de son projet mais aussi et surtout des faits, de ses différents passages à l'acte, de ce que l'expert psychiatre peut penser du risque de récidive et de ce que lui même peut en penser...
Les deux m'ont usée, épuisée... mais je préfère de loin un entretien usant que de remplir un dossier de mariage...
Alors bien sûr, le côté social fait parti de mon travail au quotidien, ne serait-ce que par le maintien des liens familiaux. Bien sûr que je me dois d'aider le détenu à entrer dans un parcours de droit commun.
La difficulté a été aussi de définir le terme "travail social" qui revêt des dimensions différentes pour pas mal de monde.
Je ne rechigne pas a exécuter cette facette du métier dans mes suivis, je trouve même cela indispensable, mais je me refuse à résumer ma tâche à du travail social.
C'est beaucoup plus complexe que ça. Il a été question, et il est encore question, que des assistantes sociales de secteur interviennent dans les SPIP afin d'effectuer certaines démarches relevant techniquement de leur compétences.
C'est une solution intéressante qui mérite d'être creusée. (Les défenseurs de la dimension sociale de notre métier vont me jeter la pierre, mais j'assume !)
La profession de criminologue en tant que telle n'existe pas en France, et je ne me revendique pas criminologue, loin de là...
Mais alors, au final, que suis-je ?
Assistante sociale ou pseudo-criminologue ?